Dans la peau d'un arbitre / In the Shoes of an Referee

 Dans la peau d'un arbitre



Il y a quelques semaines, je partageais l'idée que l'arbitre est un parfait inconnu des compétitions. Il est la nécessité invisible de l'organisation et du bon fonctionnement des rencontres sportives.

Lors des Championnats d'Europe de BJJ à Lisbonne, Mathias Jardin, un ami ceinture noire de la GF Team, faisait remarquer qu'il faudrait que tous les arbitres aient une carrière d'athlète sur les tatamis, ou au moins une expérience sur le terrain.

J'ai eu la chance d'être de la première génération d'arbitres internationaux et même d'être formateur pour les arbitres de la Fédération Internationale des Luttes Associées (FILA) et de la Fédération Française de Lutte (FFL). J'ai pu arbitrer des championnats du monde en 2008, différents championnats nationaux, et divers événements en Grappling.

Quand je me suis mis à arbitrer, je me suis rendu compte à quel point cela peut être complexe. D'une part, il faut connaître le règlement sur le bout des doigts. Seulement, la théorie de l'arbitrage rencontre TOUJOURS des cas imprévus dans la réalité. Et là, nous avons une, peut-être deux ou trois secondes pour valider, invalider, continuer ou arrêter un combat ou une phase de combat.

À ce moment-là, on est absolument seul au monde. Il se passe dans notre tête des tas de choses, on entend les coachs, le public, on regarde les athlètes, mais il n'y a que nous et nous seuls pour choisir, décider… arbitrer le geste, l'action, le moment… Sans que personne ne le sache, nous prenons une décision… Cette décision peut influencer un match, un titre, voire une prime…

Nous restons stoïques, parce qu'en plus de ce méli-mélo psychique, nous ne devons pas nous déconcentrer de l'action. Pour cette raison, sous cette pression de plus en plus forte, les arbitres commencent à faire des erreurs. Vous remarquerez qu'à partir d'une erreur dans un match, plusieurs autres arrivent… C'est souvent à cause de cette confusion intérieure.

Pour les équipes, les partenaires, les spectateurs, l'arbitre est nul, il est à ch… Parfois même on a l'impression que c'est un vendu, un ami du combattant… C'est assez rare (je ne dis pas que ça n'arrive pas, je l'ai vécu en tant qu'athlète), l'officiel est souvent en train de se recentrer, de ne plus rien louper, d'éviter de refaire une potentielle erreur, sachant qu'il ne sait plus vraiment si ce qui a été annoncé est réellement la bonne décision.

Le doute et la mauvaise décision sont les plaies de l'arbitre. Nous avons souvent peur de créer une injustice… Quand un combattant fait des efforts, se bat pour gagner ses points, pour contrôler, pour prendre un avantage, l'arbitre ressent l'effort. Et là-dessus, je rejoins Mathias, c'est parce que nous savons ce que c'est de vivre la pression d'une compétition, cette envie de décrocher la victoire, le podium, que nous mettons une attention plus particulière aux matchs.

Nous sommes dans ce que l'on nomme un "contre-transfert" en psychanalyse, c'est-à-dire que nous nous projetons dans le match comme si nous combattions. Seulement, à l'inverse du coach ou des membres de l'équipe, nous le faisons pour les deux, nous ressentons, nous anticipons (pour éviter les blessures, les mauvaises chutes, etc.), nous vivons le match au centre tout en restant le plus ouverts et objectifs à tout ce qui peut se passer.

Ce que nous vivons dans une journée de compétition est particulièrement éprouvant. Nous savons que nos décisions peuvent affecter moralement voire physiquement des personnes passionnées et investies. Nous savons que les finales sont encore plus sous pression et nous la partageons dans le but de faire de notre mieux.

Il est vrai que dans les équipes d'arbitrage, il y a des arbitres qui n'ont jamais combattu dans le monde particulier de la compétition. Pour autant, je pense qu'ils ont leur place. Il leur manque juste ce feeling, cette compréhension de l'action ou de l'effort du petit mouvement, et il peut parfois trop rapidement signaler des passivités, etc…, mais l'expérience pourra compenser cet aspect.

Ayant participé à de nombreuses compétitions, que ce soit IBJJF, FILA ou la pire à mes yeux actuellement le Naga, j'ai remarqué que certains arbitres, champions reconnus dans leurs disciplines, n'en ont strictement rien à faire de ce qu'ils font. Ils regardent le match d'à côté, s'il est plus excitant, ils restent loin des actions sans voir si la clef ou l'étranglement est passé… Ils ne sont pas impliqués… En conclusion : blessures, erreurs et déceptions pour les athlètes.

Alors oui, clairement, lors de compétitions importantes, le mieux est de faire venir une équipe d'arbitres qui connaît ces événements, mais il faut les impliquer, ce qui n'est pas toujours le cas (les athlètes encore en activité qui attendent de combattre, ou qui regardent leurs gars combattre…). À ce moment-là, une équipe moins expérimentée sur la compétition mais pleinement attentive à leur surface de combat.

Encore une fois, bravo à tous les gars qui gèrent les compétitions CFJJB, FFL et tous les tournois indépendants. Merci pour le travail que vous faites, l'implication que vous mettez, et même si parfois on peut ne pas être d'accord avec vos décisions, nous savons que vous faites de votre mieux, et que l'erreur fait aussi partie du monde des arbitres…

Prenez soin de vous.

Be One
Pank

In the Shoes of an Referee

A few weeks ago, I shared the idea that the referee is an unknown figure in competitions. They are the invisible necessity for the organization and the proper functioning of sports events.

During the European BJJ Championships in Lisbon, Mathias Jardin, a black belt friend from the GF Team, pointed out that all referees should have an athlete's career on the mats, or at least some 'on-field' experience.

I was fortunate to be part of the first generation of international referees and even a trainer for the referees of the International Federation of Associated Wrestling Styles (FILA) and the French Wrestling Federation (FFL). I had the opportunity to referee at the World Championships in 2008, various national championships, and various Grappling events.

When I started refereeing, I realized how complex it can be. On one hand, you must know the rules inside out. However, the theory of refereeing ALWAYS encounters unforeseen situations in reality. And then, we have perhaps two or three seconds to confirm, invalidate, continue, or stop a match or a phase of combat.

At that moment, you are absolutely alone in the world. Many things are going on in your head, you hear the coaches, the audience, you watch the athletes, but it's only you and you alone to choose, decide... to referee the move, the action, the moment... Without anyone knowing, we make a decision... This decision can impact a match, a title, or even a prize...

We remain stoic because, in addition to this psychic muddle, we must not lose focus on the action. For this reason, under this increasingly strong pressure, referees start making mistakes. You'll notice that from one mistake in a match, several others follow... It's often due to this internal confusion.

For the teams, partners, and spectators, the referee is bad, they are a pain... Sometimes it even feels like they are biased, a friend of the fighter... It's quite rare (I'm not saying it doesn't happen, I've experienced it as an athlete), the official is often trying to refocus, not miss anything, avoid making another potential mistake, knowing that they no longer really know if what was announced is really the right decision.

Doubt and wrong decisions are the scourge of the referee. We often fear creating an injustice... When a fighter makes efforts, fights to earn their points, to control, to gain an advantage, the referee feels the effort. And on this point, I agree with Mathias, it's because we know what it's like to experience the pressure of competition, the hunger to win, to stand on the podium, that we pay special attention to the matches.

We are in what is called 'counter-transference' in psychoanalysis, meaning we project ourselves into the match as if we were fighting. However, unlike the coach or team members, we do it for both, we feel, we anticipate (to prevent injuries, bad falls, etc.), we experience the match at its core while remaining as open and objective as possible to whatever may happen.

What we go through on a competition day is particularly demanding. We know that our decisions can affect people emotionally and sometimes even physically, passionate and committed individuals. We know that the finals are even more high-pressure, and we share in the goal of doing our best.

It's true that in the referee teams, there are referees who have never competed in the specific world of competition. Nevertheless, I think they have their place. They just lack that feeling, that understanding of the action or the effort of the small movement, and they may sometimes signal passivities too quickly, etc…, but experience can compensate for this aspect.

Having participated in many competitions, whether it's IBJJF, FILA, or currently, in my view, the worst, Naga, I've noticed that some referees, recognized champions in their disciplines, couldn't care less about what they're doing. They watch the match next door, if it's more exciting, they stay away from the actions without checking if the lock or stranglehold is applied… They are not involved… In conclusion: injuries, mistakes, and disappointments for the athletes.

So yes, clearly, in important competitions, it's best to bring in a team of referees who are familiar with these events, but they need to be involved, which is not always the case (athletes still active waiting to compete, or watching their teammates fight…). At that moment, a less experienced team in terms of competition but fully attentive to their combat area.

Once again, congratulations to all the guys who manage the CFJJB, FFL competitions, and all the independent tournaments. Thank you for the work you do, the commitment you put in, and even if sometimes we may not agree with your decisions, we know that you're doing your best, and that mistakes are also part of the world of referees…

Take care of yourselves.

Be One
Pank

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