Le JiuJitsu et la Luta Livre : fabrique à égo ? / Jiu-Jitsu and Luta Livre: An Ego Factory?

 

Le JiuJitsu et la Luta Livre : fabrique à égo ?

12419172_10153218686297651_7756692193338280755_o

Je rebondis sur une publication de Gaël Coadic (Professeur de BJJ 3e Grau, de Kenpo et de MMA), qui met en avant certaines attitudes  irrespectueuses des Jiujitsukas.

Depuis longtemps avec Dao (Egalement Ceinture Noire de BJJ et de Luta Livre >> https://lutabjj.wordpress.com/2015/01/09/interview-avec-dao-ceinture-noire-de-bjj-ceinture-marron-de-luta-livre/), nous échangeons sur l’égo que les arts martiaux et plus particulièrement le BJJ et la Luta développent chez le pratiquants.

Dans un premier temps revenons sur l’égo. Je vais prendre une définition qui est liée de spiritualité et de philosophie des arts martiaux. L’égo est la part illusoire de notre être, qui semble nous identifier, il est nourri par le faire et l’avoir, cachant le JE SUIS, authentique ( C’est à dire sans le faire et l’avoir).

La voie des arts martiaux dans certains ( parce que beaucoup d’autres sont très égotiques) traités d’arts martiaux insistent sur le fait de couper l’égo (Musashi, Hogakure, Deshimaru…).

Dans l’absolu, nous ne pouvons pas complètement nous en défaire, seulement dans mon cheminement martial j’avais la naïveté de croire que cela était LE but ultime. Pourquoi ? Parce que la phase de « je suis le plus fort » à partir d’un certain âge, à moins d’être dans l’illusion complète de l’égo  devrait avoir  totalement (?!)disparu, et comme nous pratiquons une discipline de combat, il faut bien trouver un adversaire à notre taille… nous même.

Mais le tatami et les réseaux sociaux nous ramènent à la réalité, loin d’être philosophique. En même temps, reprenons la genèse de notre BJJHelio Gracie (Il porte bien son nom d’ailleurs) était complètement dans l’égo, allant jusqu’à dire que Rickson n’est pas aussi fort que ça, peu avant de mourir. Montrer que le Jiujitsu est LE système de combat le plus performant, fonder une famille comme un clan de combattants, dédié à l’hégémonie du nom et de la discipline, se rapproche même d’un extrême narcissisme.

En parlant de Rickson dans le documentaire Chokes, je crois , il dit qu’il est prêt à mourir sur le ring et ne pas abandonner un combat... Dans l’idéal des arts martiaux c’est beau, je dirais même noble… mais une fois de plus complètement égotique. Nous ne vivons pas pendant une guerre ou une agression et la vie perdue n’est pas pour aider, soutenir ou sauver quiconque, non c’est simplement pour ne pas avoir à abandonner … abandonner quoi ? L’égo, l’illusion d’être imbattable ou ‘insoumettable’ ou …. (mettez y ce que vous souhaitez).

Dans la défaite, nous devons faire face à nos illusions, à nos critiques internes, à nos peurs, en somme à nos ombres. Les ombres de notre être qui nourrissent notre égo. Nous pouvons tous le constater, on gagne une compétition ou un combat difficile au dojo, on flatte ( parfois inconsciemment) notre personne, notre technique, etc mais quand on perd c’est une autre histoire.

Taper, abandonner… c’est comme un tabou. Je me souviens d’une discussion avec un Mestre 5e Grau que j’apprécie beaucoup, il y a quelques années. Il me disait que je tapais trop vite au dojo ( par extension en compétitions). Je lui disais que c’était sans importance, l’autre m’a battu ce coup ci, j’arrête et on recommence. Pour lui ce n’était pas acceptable. Cela m’avait étonné, j’étais dans l’idée qu’il était préférable de ne pas forcer, se blesser pour continuer au travers de l’échec à s’améliorer, se repositionner dans sa pratique, plutôt que d’aller à la limite et devoir rester une semaine ou deux au bord du tatami. 

D’ailleurs, chose que je ne comprends toujours pas quand je regarde un combat, un partenaire prend en clef ou étranglement et il y a entre 5 et 10 secondes où son adversaire fermé dans la prise, ne bouge pas, lève sa main pour abandonner, mais attend, comme si soudainement le gars allait arrêter sa soumission… Ces petits moments d’attente, sont les merveilles de l’égo. Non, messieurs dames, nous ne sommes pas plus des guerriers à nous endormir ou à se faire casser le bras, quand nous ne pouvons plus sortir et que nous avons la chance de pouvoir dire stop. Le tatami, le ring ou la cage, ce n’est pas la guerre ou la rue. La fierté du combattant à ce moment là, n’est que le voile de sa propre arrogance.

Le Jiujitsu et la Luta Livre, par extension tous les sports à soumissions , peuvent nous amener à développer un égo plutôt qu’à le couper. On ne combat pas telle personne parce que l’on va se faire battre, où qu’on n’a pas la forme. On est fier d’avoir tenu son match mais on ressort le bras à l’envers. On met en avant ses grades et ses médailles, plutôt que la valeurs humaine de chacun. Et le plus cocasse dans l’histoire, c’est que nous mettons en avant l’humilité.

Cette vertu dans le cadre martial est possible que si nous commençons à arrêter de croire ou de nous identifier à l’image que nous souhaitons donner aux autres pratiquants (et surement à nous mêmes). En allant voir nos ombres, nos peurs, nos faiblesses que chaque jour le tatami nous donne la chance de croiser. Notre façon d’être dans la dojo pendant le combat, est une expression de notre ‘Je suis, authentique’, nos échecs, nos tensions, nos frustrations pendant ce moment d’opposition, nous permettent de percevoir le potentiel de notre lumière de pratiquant sur une voie infinie, celle de notre ‘vraie connaissance’.

Plein de belles choses pour ce début d’année.

Be One

Pank

Jiu-Jitsu and Luta Livre: An Ego Factory?

I'm responding to a post by Gaël Coadic (3rd-degree BJJ black belt, Kenpo, and MMA instructor), which highlights certain disrespectful attitudes among Jiu-Jitsu practitioners.

For a long time, Dao (also a BJJ and Luta Livre black belt) and I have been discussing the ego that martial arts, particularly BJJ and Luta, can foster in practitioners.

Let's start by revisiting the concept of ego. I'll use a definition associated with spirituality and martial arts philosophy. The ego is the illusory part of our being that appears to identify us, nourished by doing and having, concealing the authentic "I AM" (which exists without doing and having).

The path of martial arts, as discussed in some martial arts treatises (Musashi, Hagakure, Deshimaru, etc.), emphasizes the need to diminish the ego.

In an ideal world, we should have moved past the phase of "I am the strongest" by a certain age, unless we are completely ensnared in ego's illusion. As we practice a combat discipline, we should seek an opponent equal to ourselves, which often becomes an internal battle.

However, the mats and social media bring us back to reality, which is far from philosophical. Let's revisit the genesis of BJJ. Helio Gracie (whose name suits him) was deeply entrenched in ego. He even claimed that Rickson wasn't as strong as people thought shortly before his death. Demonstrating that Jiu-Jitsu is the most effective combat system, establishing a family akin to a clan of fighters dedicated to the hegemony of the name and the discipline, borders on extreme narcissism.

In a documentary called "Chokes," Rickson mentions that he's ready to die in the ring and won't give up a fight... In the ideal realm of martial arts, this may be noble, but it's also intensely egotistical. We don't live in wartime or constant aggression, and risking one's life doesn't serve to help, support, or save anyone; it's simply to avoid admitting defeat... Defeat in what? Defeat of the ego, the illusion of being unbeatable or unyielding, and so on (you can fill in the blank).

In defeat, we must confront our illusions, internal criticisms, fears, and, in essence, our shadows. These shadows nourish our ego. We can all observe that after winning a competition or a tough sparring session at the dojo, we tend to (sometimes unconsciously) boost our own image, technique, and so on. But when we lose, it's a different story.

Tapping out, giving up... it's almost taboo. I remember a conversation with a highly respected 5th-degree Master a few years ago. He told me I tapped out too quickly at the dojo (and by extension, in competitions). I told him it didn't matter; the other person beat me this time, so I stop, and we start again. But for him, it was unacceptable. I was surprised because I thought it was better not to push too hard, not to get injured, and to use the failure to improve, reposition oneself in practice, rather than pushing to the limit and having to stay on the sidelines for a week or two.

Moreover, something I still don't understand when I watch a match: a partner gets caught in a joint lock or a choke, and there are 5 to 10 seconds where the person trapped in the hold doesn't move, raises their hand to signal submission, but waits, as if suddenly the other person is going to stop the submission... These moments of waiting are wonders of the ego. No, ladies and gentlemen, we are not warriors who fall asleep or get our arms broken when we can't escape, and we have the chance to say stop. The mat, the ring, or the cage is not a battlefield or the street. The pride of the fighter at that moment is merely the veil of their own arrogance.

Jiu-Jitsu and Luta Livre, and by extension, all submission-based sports, can lead us to develop ego rather than cut it down. We choose not to face certain people because we'll get beaten, or because we're not in the best shape. We take pride in holding our own in a match but walk away with our arm twisted. We emphasize our ranks and medals over the human value of each individual. And the irony in all of this is that we highlight humility.

This virtue in the martial context is only possible if we stop believing or identifying with the image we want to project to other practitioners (and probably to ourselves). By confronting our shadows, fears, and weaknesses – the things we encounter daily on the mat – we have the opportunity to move closer to our authentic "I AM." Our behavior during combat on the dojo floor is an expression of our authentic self. Our failures, tensions, and frustrations during these moments of opposition allow us to glimpse the potential of our inner light on an infinite path, that of our "true knowledge."

Wishing you all wonderful beginnings in this new year.

Be One

Pank

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L'homosexualité dans le BJJ : Un sujet tabou ? / Homosexuality in BJJ: A Taboo Subject?

La self-défense en Jiu-jitsu et Luta Livre / Self-defense in Jiujitsu and Luta Livre

La Quête de Souplesse Après la Force Brute / The Quest for Suppleness After Brute Force